Pose longue de jour
Comment détourner la pose longue ? Cette technique est habituellement utilisée pour les paysages, rivières, cascades, vues urbaines de nuit, architecture ou encore le light painting. Il s’agit d’un effet technique consistant à utiliser une vitesse d’obturation assez longue (en dessous de 1/4s). En plein jour, c’est un peu complexe car il faut jouer sur 2 autres éléments : l’ouverture du diaphragme et la diminution des ISO, afin d’éviter le trop surexposé. On peut aussi y ajouter un filtre ND pour réduire d’avantage l’entrée de lumière. On peut s’aider également d’un trépied afin d’avoir un point bien net qui contrastera avec le mouvement crée par le temps de pose plus long.
Alors pourquoi utiliser la pose longue, technique qui demande beaucoup de précision, dans des circonstances particulières comme une manifestation ?
Ceux qui me connaissent le savent : les manifs et moi c’est une longue histoire d’amour. À Quito, j’ai des souvenirs de mon frère Pablo qui rentrait exténué de manifs étudiantes. J’avais 8 ans de moins, donc impossible de l’accompagner mais j’étais tellement curieuse de savoir ce qu’il y faisait. Un jour en rentrant de l’école primaire avec mon père via El parque de l’Alameda, j’ai eu la peur de ma vie en voyant arriver droit sur nous des manifestants suivis par la police. On s’est mis à courir mais finalement mon père m’a attrapé dans ses bras pour courir plus vite et fuir les gaz lacrymogènes. Une voisine nous a donné du lait froid pour mettre sur nos yeux.
À Paris, ça n’a pas loupé, j’ai forcement été présente à toutes les manifs lycéennes et étudiantes du moment. À chaque présidentielle j’ai marché contre l’extrême droite. Désormais ce sont les marches féministes et écologiques qui m’animent.
Longtemps hésitante à prendre des portraits serrés des manifestants, je le fais volontiers maintenant, en ayant un accord visuel et en échangeant les coordonnées.
Les mass médias s’intéressent surtout aux images fortes de dégradation et de violence. On en est abreuvé. On oublie souvent les moments de joie, de musique, de camaraderie, d’union entre des gens qui ne se connaissent pas mais qui ont un but commun.
L’envie de me focaliser sur le mouvement de la foule est devenue inévitable. L’idée est surtout d’apporter un peu de douceur et de légèreté à tout ça. J’aime que ce soit un peu fort en hautes lumières. La pose longue est un moyen pour moi de ralentir le temps, de faire une pause, de visualiser le moment à travers un autre prisme et nourrir l’imaginaire. La foule devient littéralement et visuellement une marée humaine. On sort de la tension palpable pendant les marches, les manifestations. On retrouve de la beauté dans les gestes, les silhouettes. Les mouvements et les couleurs ressortent et nous font voyager, cela devient des paysages de l’âme.